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Continuité pédagogique: cours de M. Mopin

Cours d'anglais pendant le confinement

Traductions 6

Thème 6 :

Donc j'étais mauvais élève. Chaque soir de mon enfance, je rentrais à la maison poursuivi par l'école. Mes carnets disaient la réprobation de mes maîtres. Quand je n'étais pas le dernier de ma classe, c'est que j'en étais l'avant-dernier. (Champagne!) […]

«Un élève friandise. C'est ainsi que, devenu professeur, j'appelais mes excellents élèves, ces perles rares, quand j'en trouvais un dans ma classe. Je les ai beaucoup aimés, mes élèves friandises ! Ils me reposaient des autres. Et me stimulaient. Celui qui pige le plus vite, répond le plus juste, et avec humour souvent, cet œil qui s'allume, et cette discrétion dans l'aisance qui est la grâce suprême de l'intelligence... [...] Oui, j'ai toujours aimé les bons élèves.

Et je les ai plaints, aussi. Car ils ont leurs propres tourments : ne jamais décevoir l'attente des adultes, s'agacer de n'être que deuxième quand ce crétin d'Untel monopolise la première place, deviner les limites du professeur à l'approximation de ses cours, et donc s'ennuyer un peu en classe, subir la moquerie ou l'envie des nuls, être accusés de pactiser avec l'autorité, à quoi s'ajoutent, comme pour les autres, les embarras ordinaires de la croissance.

 

Daniel Pennac, Chagrin d’école, 2007

 

Version 6 : (pour une fois, essayez aussi de traduire le titre).

She sat in the middle of the back seat with John Wesley and June Star on either side of her. Bailey and the children’s mother and the baby sat in front and they left Atlanta at eight forty-five with the mileage on the car at 55890. The grandmother wrote this down because she thought it would be interesting to say how many miles they had been when they got back. It took them twenty minutes to reach the outskirts of the city. The old lady settled herself comfortably, removing her white cotton gloves and putting them up with her purse on the shelf in front of the back window. The children’s mother still had on slacks and still had her head tied up in a green kerchief, but the grandmother had on a navy blue straw sailor hat with a bunch of white violets on the brim and a navy blue dress with a small white dot in the print. Her collars and cuffs were white organdy trimmed with lace and at her neckline she had pinned a purple spray of cloth violets containing a sachet. In case of an accident, anyone seeing her dead on the highway would know at once that she was a lady.

Flannery O’Connor, A Good Man Is Hard to Find, 1953

 

 

 

 

 

Thème 6 :

Donc j'étais mauvais élève. Chaque soir de mon enfance, je rentrais à la maison poursuivi par l'école. Mes carnets disaient la réprobation de mes maîtres. Quand je n'étais pas le dernier de ma classe, c'est que j'en étais l'avant-dernier. (Champagne!) […]

Un élève friandise. C'est ainsi que, devenu professeur, j'appelais mes excellents élèves, ces perles rares, quand j'en trouvais un dans ma classe. Je les ai beaucoup aimés, mes élèves friandises ! Ils me reposaient des autres. Et me stimulaient. Celui qui pige le plus vite, répond le plus juste, et avec humour souvent, cet œil qui s'allume, et cette discrétion dans l'aisance qui est la grâce suprême de l'intelligence... [...] Oui, j'ai toujours aimé les bons élèves.

Et je les ai plaints, aussi. Car ils ont leurs propres tourments : ne jamais décevoir l'attente des adultes, s'agacer de n'être que deuxième quand ce crétin d'Untel monopolise la première place, deviner les limites du professeur à l'approximation de ses cours, et donc s'ennuyer un peu en classe, subir la moquerie ou l'envie des nuls, être accusés de pactiser avec l'autorité, à quoi s'ajoutent, comme pour les autres, les embarras ordinaires de la croissance.

 

Daniel Pennac, Chagrin d’école, 2007

 

« Donc j'étais mauvais élève. » : Il s’agit de l’enfance de Pennac. Il n’était pas encore étudiant, mais élève, c'est-à-dire écolier. Donc « pupil ». On se trouve dans un rare cas où le français est plus élusif que l’anglais : nous ne mettons pas « j’éatis UN mauvais élève », mais il faut mettre l’article en anglais. « mauvais » peut se traduire « bad », mais ce terme laisse penser que c’est le comportement de Pennac qui posait problème, pas son niveau. Il vaut mieux dire qu’il était un élève aux résultats peu convaincants. So, I was a sorry pupil.

« Chaque soir de mon enfance, je rentrais à la maison poursuivi par l'école. » : « each » correspond plus à « chacun » qu’à « chaque ». dans une suite ou une énumération (chaque soir, c’est bien une suite de soirs), il vaut mieux « every ». « evening » pour soir fonctionne, mais dans le cas qui nous intéresse, il avait l’impression que les journées étaient interminables. Je « rallonge » donc la journée en choisissant « night ». Le « de » dans « de mon enfance » pourrait se dire « of », mais c’est vraiment peu idiomatique. « in » est plus indiqué. « je rentrais » : il s’agit d’une répétition dans le passé, un éternel recommencement, et je choisis le « would » fréquentatif. La « maison » dont il parle est clairement pour lui un refuge, pas seulement une construction. « Home » plutôt que « house ». « poursuivi par l’école » : le bâtiment ne lui court pas après. « pursued » ou « chased » me semblent ambigus. On peu choisir « haunted » ou une périphrase du genre « with school still on my heels ». Every night in my childhood, I would come home haunted by school.

« Mes carnets disaient la réprobation de mes maîtres. » : Il s’agit de ses carnets de notes (ou de liaison). Problème : cela n’existe pas en Angleterre (ni aux USA). Le plus proche serait « report card », mais là, on s’approche plus du bulletin trimestriel que d’un « carnet » au jour le jour. Il faut donc abandonner le mot « carnet » pour ne s’intéresser qu’à ce qu’il y a dedans : les notes. « La réprobation DE mes maîtres » : On peut garder le cas possessif (« my masters’ reprobation »), mais cela donne l’impression que cette réprobation est un tout, une caractéristique, une habitude. Du coup, le statut de Pennac semble moins mis en avant. D’où mon choix.  My marks told the reprobation of my masters.

« Quand je n'étais pas le dernier de ma classe, c'est que j'en étais l'avant-dernier. » : rappel pour le dernier : the latest, c’est le dernier en date. Quand il y en aura un autre, il ne sera plus le dernier. The latter : CE dernier, dans une énumération. Ici, c’est tout simplement last. Pour avant-dernier, « penultimate » est trop littéraire, d’un niveau de langue bien élevé pour un dernier de la classe. Deux possibilités : « second-to-last » ou « last but one ». When I was not the last in the class, I was second-to-last. J’ai mis “the class” et non “my class”, parce que cette classe ne semblait pas être son royaume.

« (Champagne!) […] » : Aucune difficulté, si ce n’est la ponctuation. – Champagne ! (…)

« Un élève friandise. » : éviter « a sweet pupil », beaucoup trop équivoque. « A treat pupil » est pas mal, il rappelle Halloween. Je choisis Lollipop pupil, pour des raisons que j’expose en violet plus bas. A lollipop pupil.

« C'est ainsi que, devenu professeur, j'appelais mes excellents élèves, » : « devenu professeur » : évidemment, « teacher » et non « professor ». l’élusion est impossible en l’état. « become teacher » ne marche pas. Pas même « become a teacher » (il faut toujours un article devant les noms de métiers). On peut expliciter « once I had become a teacher », ou aller au plus court « as a teacher », en partant du principe que s’il l’a été, il a bien dû le devenir à un moment. Je mélange un peu les deux : « once a teacher ». Pennac regrette de ne plus enseigner. Le titre du livre se réfère à la fois au chagrin que l’école lui causait quand il était enfant et au chagrin qu’il a de ne plus enseigner (cf remarque en violet plus bas). Il décrit donc une réalité qui n’est pas susceptible de revenir, je choisis donc la tournure used to. This is how, once a teacher, I used to call my excellent pupils.

« ces perles rares, quand j'en trouvais un dans ma classe » : les anglais ne doivent pas aimer les perles : ils préfèrent « jewel » dans un cas comme celui-ci. « quand » : pour accentuer l’exceptionnalité de cet événement, je mets « whenever » plutôt que « when ». These rare jewels, whenever I found one in my class.

« Je les ai beaucoup aimés, mes élèves friandises ! » : le point d’exclamation montre s’il en était besoin que ce « aimé » est insistant. J’utilise donc une forme « itérative » (insistante) : I did like them a lot, my lollipop pupils !

« Ils me reposaient des autres.» : le verbe « rest » est intransitif, sauf dans un cas précis : quand on enterre quelqu’un (l’expression latine Requiescat In Pace, R.I.P., a été anglicisée en Rest In Peace). Il faut étoffer. They offered me a rest from the others.

« Et me stimulaient. » : On peut, bien évidemment, traduire mot à mot. Mais comme j’ai remanié la phrase précédente, je peux utiliser la construction pour lier les deux phrases : And stimulation. (sous-entendu : they offered me stimulation).

« Celui qui pige le plus vite, répond le plus juste, » : « celui qui » : « the one who », évidemment. Ceux qui connaissent la série Friends savent que tous les titres d’épisodes commencent par « the one » (copie honteuse de Seinfeld, où chaque épisode commence par « The »). Piger, dans ce cas, ce n’est pas le travail du pigiste. C’est comprendre. « le plus juste », c’est la réponse la plus appropriée et précise. The one who digs the quickest, answers the most accurately.

« et avec humour souvent, » : On peut traduire mot-à-mot, mais il y a une expression anglaise parfaite : and often with a pinch of salt.

« cet œil qui s'allume, et cette discrétion dans l'aisance qui est la grâce suprême de l'intelligence... [...] » : « cet œil » : il faudrait « that eye », car on est loin dans le temps (j’ai utilisé used to), mais Pennac ne met de distance entre lui et les élèves friandises. L’article est neutre et fait l’affaire (on l’a vu dans les textes précédents). Dans la suite, le seul mot un peu embêtant est « discrétion ». Pour donner sa réponse, l’élève doit se faire entendre. Ce que ce mot implique, c’est que l’élève ne se met pas en avant. The eye that lights up, and the nonobtrusiveness and ease which is the grace of intelligence. (…)

« Oui, j'ai toujours aimé les bons élèves. » : « J’ai toujours aimé », il les aime toujours. Donc, present perfect. Si on garde l’article (“the good pupils”), il a toujours aimé CES bons élèves là, qu’il a eu dans sa classe, à l’exclusion des autres. Or, c’est bien les bons élèves en général qu’il a toujours aimé, même ceux qu’il n’avait pas dans sa classe.  Yes, I have always liked good pupils.

« Et je les ai plaints, aussi. » : attention au dictionnaire/traducteur. « I complained about them », c’est « je m’en suis plaint ». C’est exactement le contraire de ce qui est dit ici. Ce que Pennac veut dire, c’est qu’il avait pitié d’eux. Toujours au present perfect, parce qu’on est dans la continuité. And I have pitied them, too.

« Car ils ont leurs propres tourments : ne jamais décevoir l'attente des adultes, » : Les « tourments » ici sont des obligations morales auto infligées. Pas de remords de conscience qui tourmentent l’âme. Je préfère « turmoils » à « torments ». L’énumération qui suit est une liste d’impératifs, pas une liste des choses qu’ils faisaient. Donc au lieu du –ing, je garde l’impératif. Le reste est affaire de choix de vocabulaire, et tout peut se justifier. Mon choix est arbitraire.  For they have their own turmoils : never to let down the expectations of adults,

« s'agacer de n'être que deuxième quand ce crétin d'Untel monopolise la première place, » : « de n’être que » : « only to be ». « Untel » s’utilise quand on ne sait pas de qui on parle, ce n’est pas réellement un nom propre. Il a ses équivalents anglais (Whatshisname et celui que je propose). To be annoyed only to be second, when the moron So-and-so monopolizes the first place.

« deviner les limites du professeur à l'approximation de ses cours, » : « deviner » pourrait être « guess », mais il s’agit de l’effort pour deviner, je préfère « guess at ». « à » l’approximation : d’après, en se basant sur. « From » et non « at ». To guess at the teacher’s limits from the approximation of his lessons.

« et donc s'ennuyer un peu en classe, » : s’ennuyer est une action perçue comme longue et subie. Je déroge à ma liste d’impératifs pour mettre un –ing. And so being somewhat bored in class,

« subir la moquerie ou l'envie des nuls, » : même raison, même choix. « Les nuls » : vous connaissez sans doute les livres de la collection. Il s’agit de la moquerie des nuls en général, car il ne fait aucun doute que ceux-là se moquent de tous les bons élèves, même ceux qu’ils ne connaissent pas. Undergoing the mockery from dummies,

« être accusés de pactiser avec l'autorité, » : « pactiser » : le mot qu’on utilise pour « pactiser avec l’ennemi » est « consorting ». Il ne s’agit pas de signer un pacte, un contrat, dans lequel les deux parties sont égales. « l’autorité » : au pluriel en anglais. Being accused of consorting with the authorities,

« à quoi s'ajoutent, comme pour les autres, » : les verbes pronominaux n’existent pas en anglais. Ajouter/s’ajouter sont une seule et même chose. « les autres » sont les autres enfants. On top of which add, just like for the others,

« les embarras ordinaires de la croissance. » : « les embarras » : tout ce qui rend les jeunes embarrassés, leurs maladresses. La « croissance » : il ne s’agit pas de grandir en taille (growth) mais du processus de « grandir », c'est-à-dire à l’intérieur. The usual clumsiness of growing up.

Pour l’énumération finale, l’anglais utilise plus volontiers le point-virgule que la virgule.

 

TRADUCTION PROPOSEE :

So, I was a sorry pupil. Every night in my childhood, I would come home haunted by school. My marks told the reprobation of my masters. When I was not the last in the class, I was second-to-last. – Champagne ! (…)

A lollipop pupil. This is how, once a teacher, I used to call my excellent pupils, these rare jewels, whenever I found one in my class. I did like them a lot, my lollipop pupils! They offered me a rest from the others. And stimulation. The one who digs the quickest, answers the most accurately, and often with a pinch of salt. The eye that lights up, and the nonobtrusiveness and ease which is the grace of intelligence. (…)Yes, I have always liked good pupils. And I have pitied them, too. For they have their own turmoils : never to let down the expectations of adults; to be annoyed only to be second, when the moron So-and-so monopolizes the first place; to guess at the teacher’s limits from the approximation of his lessons; and so being somewhat bored in class; undergoing the mockery from dummies; being accused of consorting with the authorities; on top of which add, just like for the others, The usual clumsiness of growing up.

Daniel Pennac, Chagrin d’école, 2007

 

J’ai rencontré Daniel Pennac à trois reprises. J’ai eu l’occasion de discuter avec lui de l’activité d’écriture ET de nos conceptions de l’enseignement. J’ai donc une lecture informée du texte, parce que j’ai discuté en profondeur du contenu avec l’auteur. Vous remarquerez que, dans mes commentaires, j’ai mis « Pennac » et non « le narrateur ».

Avant d’écrire Chagrin d’école, il parlait déjà d’élèves friandises, et j’ai discuté avec lui de la traduction que ce sobriquet pourrait avoir en anglais. Il parle mal anglais, et spontanément a proposé « candy pupils ». J’ai objecté que, phonétiquement, ça ressemblait à « candid pupils », qui ne veut pas du tout dire la même chose. J’ai proposé « lollipop pupils », et il a adoré. Les allitérations, la presque palindromie, il a trouvé ça formidable. Du coup, je garde ce terme. Il faut dire qu’il fonctionne beaucoup à l’euphonie. J’ai été très déçu de savoir que le nom de son personnage Malaussène n’avait rien à voir avec la ville du même nom (dans la région), mais qu’il l’avait choisi pour des raisons purement euphoniques.

 

 

Version 6 :

She sat in the middle of the back seat with John Wesley and June Star on either side of her. Bailey and the children’s mother and the baby sat in front and they left Atlanta at eight forty-five with the mileage on the car at 55890. The grandmother wrote this down because she thought it would be interesting to say how many miles they had been when they got back. It took them twenty minutes to reach the outskirts of the city. The old lady settled herself comfortably, removing her white cotton gloves and putting them up with her purse on the shelf in front of the back window. The children’s mother still had on slacks and still had her head tied up in a green kerchief, but the grandmother had on a navy blue straw sailor hat with a bunch of white violets on the brim and a navy blue dress with a small white dot in the print. Her collars and cuffs were white organdy trimmed with lace and at her neckline she had pinned a purple spray of cloth violets containing a sachet. In case of an accident, anyone seeing her dead on the highway would know at once that she was a lady.

Flannery O’Connor, A Good Man Is Hard to Find, 1953

 

“She sat in the middle of the back seat with John Wesley and June Star on either side of her.”: le premier problem est “she sat”: était-elle assise ou s’est-elle assise à ce moment là? La suite (en particulier “the grandmother wrote”) montre que c’est un récit, une suite d’événements ponctuels. Donc, elle s’est assise. « on either side » : de chaque côté/de part et d’autre. La tournure anglais « on either side of her » n’était pas nécessaire, le narrateur fait donc bien du personnage le centre autour duquel gravitent les autres.  Elle s’assit au centre de la banquette arrière, flanquée de part et part et d’autre de John Wesley et June Star.

« Bailey and the children’s mother and the baby sat in front and they left Atlanta at eight forty-five”: la succession de “and” pose problème. En français, on ne peut pas enchaîner les “et”. Dans une énumération, le “et” ne vient qu’avant le dernier terme. Il va me falloir encore un « et » pour introduire la proposition suivante, mais je vais le séparer de la principale par une virgule. Le style de Flannery O’Connor va être compliqué : elle fait de longues phrases avec une ponctuation impossible à rendre telle quelle en français.   Bailey, la mère des enfants et le bébé s’assirent à l’avant, et ils quittèrent Atlanta à huit heure quarante-cinq.

“with the mileage on the car at 55890.”: “with” peut se dire “avec”, mais ça fait peu idiomatique. Il s’agit de deux actions simultanées dans le temps. Le mot « kilométrage » est difficile d’emploi dans cette phrase. Et n’oubliez pas que le chiffre donné n’est pas le kilométage, mais le mileage. Il faut convertir. Cela ferait 89927 km. Mais on a un chiffre rond au départ, gardons un chiffre rond à l’arrivée.  Alors que le compteur indiquait 89430 kilomètres.

“The grandmother wrote this down because she thought it would be interesting to say how many miles they had been when they got back.”: “wrote down”, c’est “nota”. “how many miles they had been”: impossible à traduire littéralement. “combien de kilomètres ils avaient été” n’a strictement aucun sens. Il va falloir étoffer. La grand-mère le nota parce qu’elle pensait que ce serait intéressant de savoir combien de kilomètres ils auraient faits au retour. (notez que dans ce cas, « been » se traduit « fait »).

“It took them twenty minutes to reach the outskirts of the city.”: “the outskirts”, ce sont les banlieues. En français, on a tendance dans une phrase comme celle-ci à parler de LA banlieue. Cela leur prit vingt minutes pour atteindre la banlieue de la ville.

“The old lady settled herself comfortably, removing her white cotton gloves and putting them up with her purse on the shelf in front of the back window.”: le problem ici, c’est cette “étagère devant le fenêtre arrière”. Dans une voiture, il y a des vitres, pas des fenêtres. Ici il n’y a pas d’étagères. Le mot shelf peut aussi désigner une « planche » unique. Au niveau de la vitre arrière, il y a peu de possibilités. « removing (…) and putting : en français, on fera plutôt s’enchaîner les actions (settled and removed), le dernier « and » ayant une valeur causale.  la vieille dame s’installa confortablement, et retira ses gants de coton blanc pour les mettre dans son sac à main sur la plage arrière près de la vitre.

“The children’s mother still had on slacks and still had her head tied up in a green kerchief,”: “still” n’est pas “always”. Porter des pantalons n’est pas une habitude. Elle “portait toujours des pantalons” est un contresens. Ici, il a enfilé un pantalon, exceptionnellement, et ne l’avait toujours pas retiré. Quant à son autre vêtement, ce n’est pas un mouchoir. La mère des enfants avait encore son pantalon et la tête enserrée d’un foulard vert.

“but the grandmother had on a navy blue straw sailor hat with a bunch of white violets on the brim and a navy blue dress with a small white dot in the print.”: là encore, longue description sans punctuation. Le “sailor hat” est un peu particulier (vous avez déjà vu ce chapeau plat sur le dessus, souvent avec un pompon rouge sur le dessus). « chapeau » est un peu pompeux pour ce que c’est. Je ne comprends pas ce que sont des « violettes blanches », mais c’est dans le texte, il faut le garder. Enfin, il est très peu probable qu’il n’y ait qu’un seul point blanc sur la robe. L’anglais utilise souvent le singulier dans un cas comme celui-ci (on dit aussi « many a dot » pour « many dots »). Mais la grand-mère avait un béret bleu marine avec une bande de violettes blanches sur le tour et une robe bleu marine imprimée de points blancs.

“Her collars and cuffs were white organdy trimmed with lace”: “cuffs” ne pose aucun problem, ce sont les manchettes. “collars” au pluriel est plus embêtant, parce qu’on n’a qu’un seul cou et donc un seul col. Je n’ai pas d’autre choix que de passer au singulier. Son col et ses manchettes étaient en organdi blanc bordé de dentelle

“and at her neckline she had pinned a purple spray of cloth violets containing a sachet.”: “neckline”, ici, ne peut pas être le décolleté. La grand-mère veut passer pour une dame du monde, et les dames du monde n’exposent pas leur poitrine. “spray of cloth” est très gênant. Il s’agit bien de “cloth” (étoffe, tissue) et non “clothes” (vêtement) mais « spray » est pour le moins difficile à comprendre. Je ne sais pas si vos (grands) parents vous ont déjà fait le coup du « mets une culotte propre si jamais tu te fais renverser par une voiture » (ce qui est idiot parce que, si vous vous faîtes renverser par une voiture, il y a de fortes chances pour que votre culotte ne reste pas propre. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut mettre que des culottes sales). Là, la grand-mère envisage le cas d’un accident mortel, et veut absolument passer pour une dame du monde si cela arrive. Elle a donc épinglé des morceaux d’étoffe violette sur son col pour faire chic, et il y en assez pour qu’on imagine que c’est le contenu d’un sachet (de violettes). Et sur son col elle avait épinglé des fleurs en tissu violet évoquant un sachet de violettes.

“In case of an accident, anyone seeing her dead on the highway would know at once that she was a lady.”: En cas d’accident, quiconque la verrait morte sur l’autoroute saurait d’emblée que c’était une dame du monde.

 

TRADUCTION PROPOSEE:

Elle s’assit au centre de la banquette arrière, flanquée de part et part et d’autre de John Wesley et June Star. Bailey, la mère des enfants et le bébé s’assirent à l’avant, et ils quittèrent Atlanta à huit heure quarante-cinq alors que le compteur indiquait 89430 kilomètres. La grand-mère le nota parce qu’elle pensait que ce serait intéressant de savoir combien de kilomètres ils auraient faits au retour. Cela leur prit vingt minutes pour atteindre la banlieue de la ville. La vieille dame s’installa confortablement, et retira ses gants de coton blanc pour les mettre dans son sac à main sur la plage arrière près de la vitre. La mère des enfants avait encore son pantalon et la tête enserrée d’un foulard vert mais la grand-mère avait un béret bleu marine avec une bande de violettes blanches sur le tour et une robe bleu marine imprimée de points blancs. Son col et ses manchettes étaient en organdi blanc bordé de dentelle et sur son col elle avait épinglé des fleurs en tissu violet évoquant un sachet de violettes. En cas d’accident, quiconque la verrait morte sur l’autoroute saurait d’emblée que c’était une dame du monde.

 

Flannery O’Connor, A Good Man Is Hard to Find, 1953

 

« A Good Man », un « homme bon », n’est pas une expression qu’on utilise en français. En revanche si vous connaissez Brassens (sinon, boo yourself), vous savez que « les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ». Cette notion de « braves gens » recouvre parfaitement « a good man ».

« Is hard to find » : « est difficile à trouver » est très lourd en français. On peut faire bien mieux.

Ce titre permet de bien voir deux permutations classiques en traduction: le passage singulier/pluriel et affirmative/négatif. La traduction la plus reconnue est Les braves gens ne courent pas les rues.

 

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