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Continuité pédagogique: cours de M. Mopin

Cours d'anglais pendant le confinement

Traductions 5

Nous revenons à des textes un peu plus abordables:

 

Thème 5 :

Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peutêtre hier. L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse [10] pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » Il n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances.

Albert Camus, L‘Etranger, 1950

 

Version 5:

I happened to hear Ralph Messenger on the radio this morning –some kind of popular science magazine programme. He was being interviewed about “wearable computers”. I switched on in the middle of the discussion, but as far as I could gather somebody’s just written a book suggesting that as computers get smaller and cheaper in the future they could easily be worn on the person or actually implanted in the body, to monitor your pulse rate, temperature, blood pressure, muscular tension, blood sugar level, etc., etc., and anyone with access to this information on their own wearable computers could tell from it what you were thinking and feeling. Is this feasible? he was asked.

“Well, it’s technically feasible”, he said. “Computer chips are getting smaller and smaller and smaller and more powerful all the time (…)”

David Lodge, Thinks, 2001

 

Vous êtes nombreux à vous "excuser" d'avoir utilisé un traducteur pour certains mots. Mais c'est tout à fait normal d'utiliser un traducteur ou, mieux, un dictionnaire (le dictionnaire bilingue de référence dans la plupart des formations de haut niveau est le Robert & Collins). 

 

 

Thème 5 :

Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » Il n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances.

Albert Camus, L‘Etranger, 1950

 

« Aujourd'hui, maman est morte. » : la mère du personnage vient de mourir. Si j’utilise le présent (is dead), cela veut dire qu’elle est dans cet état depuis longtemps. Un peu comme si on dit « le Général de Gaulle est mort ». Il n’est pas mort aujourd’hui. Là, c’est bien le jour (ou le lendemain) du décès. Il faut donc le verbe mourir à un temps qui date précisément cet événement : le prétérit (elle a fini de mourir). « Maman » pose problème. « Mummy » est affectif, et si Meursault (c’est le nom du personnage) ne sait palus très bien quand elle est morte, c’est qu’il n’était pas proche d’elle. « Mother » est trop distant et trop respectueux pour « maman ». J’opte pour la voie moyenne : « mum ». Today, Mum died.

 

« Ou peut-être hier, je ne sais pas. » : on peut traduire littéralement « or maybe (it was) yesterday », mais ce « ou peut-être » vient corriger le « aujourd’hui » dont on n’est pas sur. Je préfère « unless ». « je ne sais pas » : en fait il ne sait PLUS. « I don’t know/I don’t remember » marche, mais en fait Meursault nous parle et le sens de la phrase, sous-entendu, est « je ne sais pas comment communiquer une information que j’ai oubliée » ; Dans un cas comme celui-ci, « tell » est une solution fréquente. Unless it was yesterday, I can’t tell. Cet emploi de can, on le retrouve dans “can you speak English?” (SAVEZ vous parler anglais ?)

 

J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués » : sa mère n’était pas folle. L’asile, c’est un mot démodé pour désigner les EHPAD, ou les maisons de retraite (retirement homes). « Sentiments distingués » : à la fin d’une lettre, quand on écrit à un supérieur hiérarchique, on met « veuillez agréer l’assurance de mes sentiments respectueux » et il répond avec « veuillez agréer l’assurance de mes sentiments distingués ». (Yours faithfully/yours sincerely). Il s’agit d’un télégramme, et cela se paie au nombre de lettres. Ilo faut donc être concis. « Deceased » est plus long que « dead ». Enfin, faites bien attention aux guillemets dans les guillemets: la typographie n’est pas la même en anglais.  I received a telegramme from the Home : Mother dead. Funeral tomorrow. Sincerely”.

 

« Cela ne veut rien dire. » : le sens du télégramme est clair. Il veut dire quelque chose. Ce que Meursault veut dire, c’est que cela ne permet pas de savoir si le décès a eu lieu aujourd’hui ou hier. Je reprends mon « tell » de tout à l’heure : It doesn’t tell at all.

« C'était peut-être hier. » : « it could have been yesterday » est grammaticalement joli, mais il veut dire « cela aurait pu être hier », et la connotation est celle de l’irréel du passé, c'est-à-dire : cela n’a pas eu lieu hier. Mieux vaut rester neutre. Maybe it was yesterday.

 

« L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. » : à l’époque où Camus écrit, « vieillard » n’avait pas de connotation trop marquée. « Old people’s home » va bien. Quant aux 80km, il faut les convertir. The old people’s home is in Marengo, fifty miles from Algiers.

 

« Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. » : aucune difficulté pour cette phrase. Attention, s’agit de prendre le bus A deux heures, mais pas le bus DE deux heures (two o’clock bus) : I will take the bus at two and arrive in the afternoon. Le “o’clock” n’est pas utile: la suite de la phrase montre qu’on donne une heure.

 

« Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. » : « Ainsi » peut se traduire « thus », mais c’est un mot un peu littéraire pour Meursault, qui parle simplement. « That way » fait l’affaire. « je pourrai » : au futur, on utilise « I will be able to », mais comme là c’est un irréel du futur, le présent fonctionne. Il permet de moins insister sur les aptitudes physiques de Meursault, qui ne cherche qu’à se débarrasser de la corvée : il veut revenir au plus vite (je choisis d’ailleurs « evening » plutôt que « night » pour raccourcir sa journée de corvée). « veiller » : il s’agit de la veillée funèbre, une coutume qui consiste à passer la soirée dans la même pièce que le cercueil ouvert pour dire au revoir au mort. En anglais : wake. That way I can wake and come back tomorrow evening.

 

« J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. » : le seul problème  est « une excuse pareille ». « Such an excuse » est possible, mais de toute évidence Meursault cherche à se défiler. « Such a » sous-entend que la raison est valable. Meursault n’y voit qu’une excuse pour prendre deux jours de congé (et n’en utiliser qu’un pour les funérailles, si vous comptez bien). Je préfère donc « an excuse like that », qui me permet d’introduire ce « that », qui distancie le locuteur de l’action. I asked my both (for) two days off and he couldn’t refuse them to me with an excuse like that.

 

« Mais il n'avait pas l'air content. » : « seem » signifie qu’il n’avait pas l’apparence de quelqu’un de content mais qu’il l’était peut-être quand même. But he did not look happy.

 

« Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » » : ce que Meursault veut dire, c’est que ce n’est pas arrivé à cause de lui et non qu’il a commis quelque chose de mal involontairement. Comme il est assez égocentré (plus haut, j’ai gardé en toutes lettres « he could not refuse them to me » pour mettre ce « me » en valeur), je préfère : I even told him : “ this is no fault of mine ”. 

 

« Il n'a pas répondu. » : ici, « répondu » ne veut pas seulement dire qu’il n’a prononcé aucun mot, mais qu’il n’a pas non plus réagi (haussement d’épaules, geste, regard, moue…). Plutôt que « answer », il vaut mieux « respond » : He did not respond.

 

« J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. » : la place de l’adverbe est importante. « Alors j’ai pensé » introduirait une idée de conséquence. Là, le « alors » n’a qu’une valeur temporelle. On le traduira “then” et non “so”. Then I thought I shouldn’t have told him that.

 

« En somme, je n'avais pas à m'excuser. » : En somme : on peut utiliser « in short », mais la meilleure trouvaille à mon avis est « I mean ». I mean, I needn’t apologize. Le semi-modal need, quand il a valeur de modal, ne se conjugue pas et n’a pas de verbe de remplacement. Je n’ai pas besoin et je n’avais pas besoin sont une même chose en anglais : si le devoir moral n’existe pas, il n’existe pas, que ce soit hier ou toujours.

 

« C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. » : « à lui » est compliqué. « C’était à lui » signifie « c’était son devoir » et non « cela lui appartenait ». On peut choisir « it was rather his duty to », mais je préfère le verbe befall. It rather befell him to offer me his condolences.

 

L’Etranger: en thème, on ne traduit pas les titres, mais dans le cas précis de ce roman, attention aux sens de ce mot. « The Foreigner » est celui qui a une autre nationalité. « The Stranger » est un type qu’on ne connaît pas. Meursault est « étranger » parce qu’il est dans son monde à lui, à part. Il n’est pas dans le même monde que nous, et la meilleure traduction serait « The Outsider ».

 

TRADUCTION PROPOSEE :

Today, Mum died. Unless it was yesterday, I can’t tell. I received a telegramme from the Home : “Mother dead. Funeral tomorrow. Sincerely”.  It doesn’t tell at all. Maybe it was yesterday. The old people’s home is in Marengo, fifty miles from Algiers. I will take the bus at two and arrive in the afternoon. That way I can wake and come back tomorrow evening. I asked my both (for) two days off and he couldn’t refuse them to me with an excuse like that. But he did not look happy. I even told him : “ this is no fault of mine ”.  He did not respond. Then I thought I shouldn’t have told him that. I mean, I needn’t apologize. It rather befell him to offer me his condolences.

 

 

Version 5:

I happened to hear Ralph Messenger on the radio this morning –some kind of popular science magazine programme. He was being interviewed about “wearable computers”. I switched on in the middle of the discussion, but as far as I could gather somebody’s just written a book suggesting that as computers get smaller and cheaper in the future they could easily be worn on the person or actually implanted in the body, to monitor your pulse rate, temperature, blood pressure, muscular tension, blood sugar level, etc., etc., and anyone with access to this information on their own wearable computers could tell from it what you were thinking and feeling. Is this feasible? he was asked.

“Well, it’s technically feasible”, he said. “Computer chips are getting smaller and smaller and smaller and more powerful all the time (…)”

David Lodge, Thinks, 2001

 

“I happened to hear Ralph Messenger on the radio this morning –some kind of popular science magazine programme.”: “I happened”: on peut envisage “il m’est arrivé de”, mais cela sous-entend que ce n’est arrive qu’une fois, il y a longtemps. « Il se trouve que » n’est pas mal. A mon sens, le mieux reste « je suis tombé sur Ralph Messenger par hasard ». « popular science magazine » : nous avons un joli mot pour ce genre de programme : le peuple en latin en vulgum. Je suis tombé par hasard sur Ralph Messenger ce matin à la radio, une sorte de magazine de vulgarisation scientifique.

 

“He was being interviewed about “wearable computers”.”: Pour commencer, « he was being » est un passif avec une forme en ing. Ce passif va se traduire par « on », et le be+ing, qui traduit l’irritation, par un adverbe. Et le plus gros problème du texte, c’est ce “wearable computers”. Il ne s’agit pas d’un “laptop” (ordinateur portable), mais d’un ordinateur que l’on peut enfiler comme un vêtement. Vêtement connecté/vêtement intelligent sont pas mal, mais ils se réfèrent au vêtement et, surtout, ce qu’on appelle les vêtements intelligents en français, ce sont ceux qui sont faits avec des tissus spéciaux (qui laissent passer la transpiration mais pas l’eau de pluie, par exemple, ou qui se repasse seul). Après avoir beaucoup cherché, j’ai trouvé un terme qui me semble acceptable : « l’informatique ambulatoire ». On l’interviewait évidemment sur l’informatique ambulatoire.

 

“I switched on in the middle of the discussion,”: le narrateur a allumé sa radio au milieu du programme. “J’ai allumé au milieu du programme” n’est pas très heureux, il faut délayer. En allumant, j’ai pris la discussion en cours.

 

“but as far as I could gather somebody’s just written a book suggesting that as computers get smaller and cheaper in the future they could easily be worn on the person or actually implanted in the body,”: “gather”, c’est rassembler. Ici, rassembler les informations: d’après ce que j’ai pu rassembler comme informations. « as computers get smaller » : au fur et à mesure. « smaller and cheaper » : difficile de dire « plus petits et plus moins chers ». J’utilise une périphrase. « actually » : en fait. Difficle de le traduire tel quel. La présence de « or » donne une alternative intéressante : au lieu de « ou », on peut utiliser « voire » pour « or » et « actually » en même temps. Mais d’après ce que j’ai pu comprendre, quelqu’un vient d’écrire un livre qui suggère que, au fur et à mesure que les ordinateurs se miniaturisent et se démocratisent, à l’avenir on pourra facilement les porter sur notre personne, voire se les implanter dans le corps.

 

 “to monitor your pulse rate, temperature, blood pressure, muscular tension, blood sugar level, etc., etc.,”: le problem est le verbe “monitor”. “mesurer” est bien, mais on n’a pas l’idée de continuité. C’est un peu long, mais je lui préfère “surveiller”. Pour surveiller son pouls, sa température, sa pression sanguine, sa tension musculaire, son taux de glycémie, etc, etc.

 

“and anyone with access to this information on their own wearable computers could tell from it what you were thinking and feeling..”:  “anyone with access”: n’importe qui ayant accès. Ce participe présent (ayant) n’est pas joli, je préfère tourner la phrase autrement. Le « tell » est le même qu’en thème, dans l’autre sens (déduire, savoir).  Et si quiconque, sur son propre ordinateur ambulatoire, a accès à cette information, il pourra en déduire ce que vous pensez et ce que vous ressentez.

 

Is this feasible? he was asked”: au style indirect libre, il faut recourir à une inversion sujet-verbe: « est-ce faisable ? », lui a-t-on demandé. Notez où je ferme les guillemets. J’utilise le passé composé plutôt que le passé simple car le style est plutôt familier.

 

“Well, it’s technically feasible”, he said. “Computer chips are getting smaller and smaller and smaller and more powerful all the time (…)”: Les “chips” ne sont évidemment pas des pommes de terre salées. La fome “smaller and smaller and smaller” est repetitive et instante. “De plus en plus petites” ne reprend que “smaller and smaller”. On perd l’insistance. D’où ma proposition : « Eh ! Bien, c’est techniquement faisable, dit-il. Les puces des ordinateurs rétrécissent encore et encore et encore et sont de plus en plus puissantes (…) ». J’ai inclus le « dit-il » dans les guillemets : c’est la règle en français si la didascalie n’est composée que d’un verbe court et d’un pronom.

 

TRADUCTION PROPOSEE :

Je suis tombé par hasard sur Ralph Messenger ce matin à la radio, une sorte de magazine de vulgarisation scientifique. On l’interviewait évidemment sur l’informatique ambulatoire. En allumant, j’ai pris la discussion en cours,  mais d’après ce que j’ai pu comprendre, quelqu’un vient d’écrire un livre qui suggère que, au fur et à mesure que les ordinateurs se miniaturisent et se démocratisent, à l’avenir on pourra facilement les porter sur notre personne, voire se les implanter dans le corps, pour surveiller son pouls, sa température, sa pression sanguine, sa tension musculaire, son taux de glycémie, etc, etc. Et si quiconque, sur son propre ordinateur ambulatoire, a accès à cette information, il pourra en déduire ce que vous pensez et ce que vous ressentez. « Est-ce faisable ? », lui a-t-on demandé. « Eh ! Bien, c’est techniquement faisable, dit-il. Les puces des ordinateurs rétrécissent encore et encore et encore et sont de plus en plus puissantes (…) 

David Lodge, Thinks, 2001

 

 

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